La sélection adverse dans le cadre des crédits bancaires
- Thomas P. Hossen
- 24 févr. 2021
- 3 min de lecture
Les asymétries d’information sont source de défaillance de marché. En effet, elles incitent les individus à agir de façon opportuniste, notamment dans les relations contractuelles qui lient un principal et un agent. Des biais apparaissent alors et le cadre de la concurrence pure et parfaite n’est plus respecté.
Parmi les défaillances de marché provoquées par les asymétries d’information figure la sélection adverse. Ce phénomène apparaît ex-ante, c’est-à-dire au moment de la signature d’un contrat, par exemple d’un crédit bancaire. L’agent, c’est-à-dire le bénéficiaire du contrat (l’emprunteur), connaît la probabilité de réussite du projet pour lequel il sollicite un prêt, et il connaît à peu près son risque de défaut de paiement (il sait par exemple s’il envisage de changer d’emploi à court terme, quitte à faire face à une perte de salaire) : l’agent dispose donc de plus d’information que le principal, c’est-à-dire le banquier, qui lui ignore ces éléments. En effet, le banquier ne dispose que d’un risque moyen calculé à partir d’une banque de données (comportant l’âge, le sexe, le niveau d’études, les écoles et universités fréquentées, le statut marital, le secteur d’activité, le type de contrat de travail etc.), et non d’informations précises sur la nature de l’emprunteur. Pour se couvrir contre le risque moyen de défaut de paiement, la banque exige alors le paiement d’un taux d’intérêt plus élevé, et ce dans le but de se couvrir du risque de tomber sur de mauvais emprunteurs. Cependant, les bons emprunteurs qui mériteraient des taux d’intérêt plus faibles pourraient penser que le taux d’intérêt exigé est trop élevé pour réaliser leur projet : ils y renonceront alors. Le fait que les mauvais emprunteurs aient une demande en crédit moins élastique au taux d’intérêt que les bons emprunteurs fait que la banque sélectionne involontairement les mauvais emprunteurs plutôt que les bons en proposant des taux d’intérêt majorés. Par conséquent, le risque moyen de défaut de paiement ne correspondra pas au risque moyen de la population, ce qui déséquilibrera les recettes de la banque. Ainsi, alors que le but de la banque serait d’assurer un maximum de « bons emprunteurs », celle-ci se retrouve avec une majorité de mauvais. La banque se voit donc forcée de remonter à nouveau ses taux d’intérêts : un cercle vicieux s’engage alors, jusqu’à ce que l’augmentation du risque devienne plus forte que l’augmentation du taux d’intérêt. Passé ce seuil, les crédits se sont alors plus accordés : le taux d’intérêt n’augmente plus et le crédit est rationné. Dès lors, non seulement les bons emprunteurs n’auront pas pu financer leur projet, mais même les mauvais n’auront pas tous réussi à se faire financer du fait du rationnement du crédit.
Pour résoudre ce problème, il est possible de transférer le risque de défaut de paiement à un tiers : une compagnie d’assurance. Par exemple, dans le cas d’un prêt immobilier, souscrire une assurance est de facto obligatoire pour que la banque accepte le financement. L’assurance dispose alors de données personnelles (état de santé notamment) dont ne dispose pas la banque pour proposer un taux d’assurance personnalisé. La banque, couverte contre le risque de défaut par l’assurance, peut alors proposer un taux d’intérêt de marché qui ne fera pas fuir les bons emprunteurs (puisque ceux-ci auront un taux d’assurance raisonnable). Les assurances de crédit sont par ailleurs bien plus régulées aujourd’hui qu’avant 2008 afin de ne pas répéter les phénomènes spéculatifs qui ont menés à la crise des subprimes ; mais ça, c’est un autre sujet…
Super éclaircissant, merci beaucoup ! :)